En redescendant des montagnes


Kangding – Hong Haizi (Lac Rouge)

58km, +1700m

GravatsEncore une fois, nous démarrons tranquillement. Nous longeons une vallée fleurie pleine d’azalées et fort charmante. La route est assez abîmée, est ce le tremblement de terre de 2008 ? Nous ne sommes pas vraiment étonnés de voir autant d’éboulements. Lors de la construction de la route, qui ne semble pas vieille, ils ont juste fait la route sans stabiliser les accotements. Le résultat ressemble à une grande balafre dans le paysage. Ça monte, ça monte. Nous avançons doucement sur cette route assez déserte. En plus Laeti est un peu malade, quelque chose que nous avons mangé peut être ?

Nous espérons le col derrière chaque virage, mais il n’arrive jamais. Le climat passe du soleil et de la chaleur du fond de la vallée aux nuages bien plus frais des hauteurs. Nous croisons des nomades de retours de leur recherche de vers. Un couple se tient par la main et nous trouvons ça très charmant. Du coup nous décidons de leur demander un endroit pour poser la tente. Instantanément nous sommes invités dans leur camp, ce que nous acceptons bien volontiers. Il fait déjà bien froid à cette altitude, 4200m affichés au compteur et nous ne nous voyons pas pédaler beaucoup plus longtemps. Dans la tente il fait une chaleur agréable avec le poêle qui donne et la moitié du camp qui est venu voir les deux cyclistes avec curiosité.

On nous offre le thé et des bricoles à manger : des momos faits maison et des boules d’une espèce de farine brune mélangée à une belle quantité de beurre de yak fondue. Puis nous annonçons que nous allons monter la tente. Tout le monde vient nous donner un coup de main. Enfin presque tout le monde, car certains préfèrent essayer les vélos, le tout dans une ambiance de franche rigolade. Après quoi c’est l’heure de manger. Nous proposons les vivres de nos sacoches, mais ils nous disent de les garder pour la route qui nous attend. Les discussions vont bon train. Ils sont très curieux de notre religion. Sommes-nous aussi bouddhistes ? Vénérons-nous le Dalai Lama ? Sébastien soulèvent sa jambe de pantalon pour enfiler une grosse paire de chaussette et dévoile une jambe poilue qui fait aussi la curiosité des hommes. Entre ça et sa barbe d’un mois il impressionne. Nos dents blanches sont aussi un sujet de discussion pour ces gens dont la plupart révèlent quelques dents en or.

Le plat du jour est une belle marmite de pâtes fraîches faites maisons revenues avec quelques piments raisonnables et des morceaux de poivrons. Nous nous régalons et on nous propose de remplir les bols dès qu’ils commencent à se vider. Mais Sébastien reste raisonnable car il sait maintenant que ce sera aussi la même marmite pour leur petit déjeuner et il ne veut pas mettre à la diète ses généreux hôtes.

Photo de groupeNous leur posons des questions à notre tour. Ils sont dans les parages pour 2 mois, le temps de trouver les vers qu’ils revendent à bon prix. Dans quelques jours seuleument ils s’en iront plus bas puis encore plus bas dans la vallée pour les mois d’hiver. Ils sont curieux de nos habitudes en France. Combien d’enfants avons nous ? Combien pouvons nous avoir ? Eux même semblent assez frustrés d’être limités. Ils aiment beaucoup chanter et entonne parfois quelques notes. Ils nous demandent de chanter aussi, mais nous sommes un peu à court d’idée. Laetitia se risque à La Marseillaise et Petit papa Noël … et encore pas complet. C’est décidé nous ferons quelques recherches pour les prochaines occasions 🙂 Quand vient l’heure de passer dans la tente, la pluie s’invite à la fête et vient s’abattre avec fracas pendant quelques heures sur la toile qui résiste du mieux qu’elle peut.

Lac Rouge – Bamei

98km, +850, -1250m

En bord de routeCe matin, ils nous proposent une séance photo. Volontiers! Nous leur montrons notre imprimante et leur proposons de leur en donner quelques unes. Malheureusement, leurs panneaux solaires ne permettent pas de la faire marcher. Qu’à cela ne tienne, nous trouverons un moyen. Pour l’heure tout le monde se prête au jeu. Notre hôte revêt son manteau traditionnel, sa femme replace sa coiffe et on habille le petit. Puis ce sont les autres membres de la communauté qui viennent pour le shooting. Les femmes sont superbes avec leur visage doux, leurs yeux en amendes et les bijoux qui les mettent en valeur. Tout le monde veut une photo avec les deux énergumènes à vélo. Nous passons un bon moment à faire tantôt les mannequins, tantôt les photographes. Décidément, ces gens sont vraiment charmants. Nous voulons vraiment leur transmettre les photos. Impossible de les leur envoyer par la poste. Nous convenons de les déposer dans un café connu de la prochaine ville où nous avions déjà décidé de faire une petite halte. Le rendez vous est pris et nous enfourchons nos vélos.

Cette montée qui n’en finissait pas hier soir, n’est toujours pas terminée et il nous faut encore grimper 250m pour en venir à bout. Depuis le col, la vue sur la vallée qui nous attend est sympathique. De grandes prairies vallonnées s’étendent à pertes de vues, vertes et parsemées de quelques maisons ci et là. Et cette route qui descend enfin ! Nous filons sans effort vers les troupeaux ce yaks et posons régulièrement pour prendre quelques photos. Alors que le soleil nous réchauffe, nous décidons de faire la pause pique nique en bord de route. Nous n’avons pas finit le premier sandwich qu’une moto s’arrête à notre hauteur. Notre hôte d’hier soir et sa compagne sont déjà en route vers Ta Gong où nous leur avons promis de déposer les photos. Aie, pour nous il y a encore une trentaine de kilomètres et un petit moment de vélo.

YaourtsNous avalons rapidement la fin du sandwich, replions la tente qui séchait sur la barrière et reprenons la route à leur côté. Mais les voilà qui s’arrêtent en cours de route au niveau d’une maison et nous font signe de les suivre. Ici habite une connaissance dans une maison en dure, avec le courant. Parfait, nous pourrons donc faire les photos ici. La maison est toute simple en brique de terre. Les murs sont couverts de ce qui était disponibles à l’époque, morceaux de journaux, morceaux de bâches. Dans un coin, une armoire est dédiée aux photos de lamas et quelques grigris bouddhistes. Une photo discrète du Dalai Lama. De l’autre côté de la maison, le poêle autour duquel nous accueil la maîtresse de maison et une autre femme qui se trouve être la mère de notre ami. On nous offre le thé et quelques bricoles à manger que Sébastien ne refuse bien évidemment pas. L’imprimante est branchée au courant et les impressions commencent. De voir les photos sortir donne à nos amis de nouvelles envies de photos avec les enfants.

Nous reprenons ensuite la route qui continue de descendre gentiment vers Ta Gong. Le paysage toujours aussi vert, brouté aussi raz qu’un terrain de golf, est apaisant. Nous ne nous arrêtons pas à Ta Gong et préférons poursuivre tant que le soleil est présent. Nous avons une longue route à faire jusqu’à Chengdu et nous savons qu’il faut pousser un peu tous les jours pour arriver à bon port dans un temps raisonnable. Après Ta Gong il faut remonter de quelques centaines de mètres pour atteindre un petit col et être récompensés d’une belle descente. La vallée est assez peuplée et nous nous demandons bien où nous pourrons trouver un endroit pour poser la tente. Faute de quoi nous continuons à avancer. En plus d’un lieux, il nous faudrait aussi un peu d’eau. Sébastien aperçoit une dame dans son jardin et lui agite une bouteille d’eau vide en guise de question. Elle nous fait alors de grands signes de venir et nous propose carrément de loger chez elle ce soir. Ma foi, avec ce soleil qui se couche déjà et le manque de solutions à court terme nous acceptions bien volontiers.

Nous nous retrouvons à pénétrer dans l’une de ces maisons tibétaines qui nous avons si souvent contemplée depuis la route. L’intérieur est aussi décoré que celui des temples. L’étage est composé d’une cuisine avec son poêle, d’une chambre attenante et de deux grandes pièces avec tables et bancs qui peuvent servir de lit.

Bamei – Zhongluo

100km, +600m, -2100m

La petite familleÀ 6h la porte s’ouvre et notre hôtesse nous réveille. Les neurones pas tout à fait en place, nous la rejoignons autour du poêle où elle nous propose à nouveau du zanba. Mais ce matin nous manquons d’appétit pour les choses à base de beurre de yak et refusons poliment ses nombreuses offres de rabe. Nous proposons à nouveau une séance de photo qui ravi la jeune fille. La mère se recoiffe, la jeune fille part chercher une tenue de circonstance et nous voilà dehors pour quelques photos.

Après ce lever si matinal nous sommes sur les vélos dès 8h du matin. Un petit col pour réveiller les jambes et nous filons sur une belle route peu fréquentée en descente. Soudain nous apercevons une quantité de drapeaux tibétains et des gens qui se baignent. Juste au bord de la route, 3 grands bassins captent l’eau d’une source chaude. Malgré la crasse et les papiers partout nous ne résistons pas à l’envie de baigner les jambes. Le vent puissant et frais nous retient de nous tremper plus que ça.

PaysageAu bout du canyon nous arrivons sous une pluie d’orage dans la ville insipide de Danba qui a quand même la grande qualité d’avoir des restaurants servant de délicieuses soupes de raviolis. La pluie persiste, mais nous faisons tout de même un petit détour pour admirer les tours de gué du village de Suopo. Les nuages bas qui s’enroulent autour donnent une atmosphère un peu mystique au lieu. Nous poursuivons ensuite vers Zhongluo, un autre village avec des tours de gué. Une fois traversé la rivière, la route part en lambeaux et se cabre fortement; sans compter les innombrables passages de boue. À tel point que nous croisons un tracteur embourbé que 6 hommes tentent désespérément de faire avancer. Sébastien se joint à la troupe avec deux autres chinois coincés derrière et ce renfort permet finalement de dégager l’engin. Alors que les 3/4 de la route ont été conquis, la pluie se renforce et nous décidons de poser le camp sur une petite zone de plat repérée non loin de là.

Maison-tour

L’arrivée à Chengdu

60km, 98km, 168km, +1200m, -4000m

Le reste de la route vers Chengdu n’offre pas beaucoup d’émotions fortes en comparaison des derniers jours. Il faut dire que le challenge était relevé. Nous passons par Rilong, une ville que les méfaits du tourisme ont gangrené : prix indécents, services de piètre qualité et 20€ de droit d’entrée pour chaque vallée visitable aux alentours … Autant dire que nous ne sommes pas particulièrement emballés. À la suite de cette ville oubliable, nous grimpons le tout dernier col de notre périple chinois qui culmine à 4500m sous une épaisse couche de nuages ce jour là. La pluie et le froid nous congèle sur place et le plaisir de la descente de 4000m qui démarre est un peu relativisé. Heureusement la chaleur revient au fur et à mesure que nous descendons vers Wolong qui se trouve déjà à 2100m d’altitude à peine.

C’est à partir de cette ville que la route impeccable se transforme pour une quarantaine de kilomètres en cauchemar de cyclistes et de tout type de véhicule aussi d’ailleurs. La pluie de ces derniers jours à rendu cette portion déjà peu engageante en une longue piste de boue et de cailloux que le trafic intense n’arrange pas. Fort heureusement la pente reste négative. Pour rajouter un peu de piment à tout ça, il faut traverser 3 tunnels, sans éclairage bien entendu. Dans le premier d’entre eux, une voiture qui n’a pas ou ne veux pas allumer ses phares commence par nous suivre pour bénéficier de l’éclairage de nos lampes avant de prendre la suite du premier véhicule éclairé qui passe. Quand il n’y a personne autour de nous, c’est le noir total. Nous avançons doucement pour éviter les ornières et les flaques d’eau qui nous déstabilisent. Les camions et les voitures ne semblent aucunement gênées pour doubler comme à leur habitude, ce qui nous vaut quelques frissons. Dans le second tunnel, malgré toutes les précautions que nous prenons, Sébastien ne peut éviter une ornière qui se dévoile au dernier moment et c’est le drame. Une crevaison au milieu du tunnel obscure.

Nous nous mettons rapidement en ordre de bataille et exécutons la routine mainte fois répétée. Les bagages sont vite retirés et entreposés dans les rares endroits à peu près secs, la frontale est installée sur la tête pour fournir de quoi voir et être vus, et nous démontons la roue. Dans cette ambiance de poussière et de boue nous sommes loin des conditions idéales. De toute façon il n’y a pas le temps de réfléchir, tanpi pour le confort. Une chambre à air neuve est installée, le pneu est remonté, quelques coups de pompes en urgence et nous sommes repartis vers le bout du tunnel. Nous nous arrêtons un peu plus loin pour finir le gonflage. Dans la hâte, nous avons mal remis les quelques affaires qui pendaient au dessus du sac à dos et Laetitia constate avec effroi qu’elle a perdu ses chaussures. Heureusement, elle les retrouvent un peu plus haut, à la sortie du fameux tunnel. Par “chance”, elles étaient tombées dans une flaque et dépassaient à peine. Par chance dis-je car rien ne traîne bien longtemps en Chine et elles auraient très bien pu déjà être récupérées.

La quarantaine de kilomètres prennent fin au niveau de la ville qui fut l’épicentre du terrible tremblement de terre de 2008 qui avait fait tant de dégâts. Certains bâtiments sont encore présent dans l’état, penchant dramatiquement dans un équilibre précaire devant les flash des touristes qui sont venus en masses dans ce qui est maintenant devenu un parc d’attraction. Nous nous y arrêtons pour une petite soupe revigorante ainsi qu’un abri temporaire de la pluie qui ne nous a pas lâché de la matinée. Sébastien se hasarde à demander la distance qui nous sépare de Chengdu. On lui répond sur un ton sûr : 60 kilomètres. Nous ne devrions pas arriver trop tard alors.

Nous nous remettons en route alors que la pluie se calme et commençons par grimper un petit col de 250m auquel nous ne nous attendions pas. Qu’à cela ne tienne, il nous en faut plus pour nous arrêter. La route se poursuit et nous ne voyons toujours pas les abords de la ville. Au bout de 40 kilomètres, Sébastien redemande par hasard la distance qu’il reste pour Chengdu. “60 kilomètres !” Le doute s’installe subrepticement. Où sommes nous donc ? Et qu’elle est la véritable distance qui nous sépare de Chengdu ? Nous sommes attendus par une personne rencontrée en montagne et qui nous offre l’hospitalité en ville. Nous avançons toujours et commençons à atteindre des zones densément peuplées. Les noms qui s’affichent sur les panneaux de circulation ne nous parlent. Nous avons une carte routière bien trop grande et une carte de la ville bien trop petite. Nous poursuivons encore et toujours. Nous sommes sûrement dans les abords de Chengdu, mais cette ville de 8 millions d’âmes, 15 millions avec son agglomération peu s’étendre beaucoup.

Enfin, un nom connu, nous approchons le deuxième périphérique de la ville ! Cela fait maintenant 140 kilomètres que nous pédalons. Nous appelons notre bienfaitrice pour lui annoncer notre arrivée “proche” et surtout lui confirmer que nous ne nous sommes pas arrêtés en route. Encore quelques kilomètres de vélos et nous la retrouvons enfin devant le restaurant qu’elle a investi avec quelques amis. Il est 22h et nous avons 168 kilomètres au compteur, soit 120 kilomètres au lieu des 60 kilomètres qu’on nous avait assurés à midi. Une marge d’erreur de 100%. Rappelez-moi de ne pas monter dans les prochains Airbus “made in China” !

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One response to “En redescendant des montagnes”

  1. Belle route les amoureux.

    Que je suis heureuse de ces belles rencontres.
    Cela défatigue les mollets je suppose.
    Prenez soin de vous
    Avec de tels dénivelés n’oubliez pas vos étirements.
    Félicitation pour les séances photos.
    Merci pour ce récits si sympathique et chaleureux de partages et d’échanges
    Je vous embrasse
    Chloé