Départ vers le Sichuan


Shangrila – bivouac à la mine

61,5km, +1200m, -400m

Troupeau de yaksLe démarrage est tardif après avoir fureté toute la matinée sur le web pour trouver une solution pour notre PC qui est en rade. La sortie de Shangri-La se fait par une petite route assez passante qui nous rappelle un peu les galères de la sortie de Lijiang. Très vite les choses se tassent fort heureusement. La route est très différente de celle que nous avons empruntée pour Deqin. Nous apercevons de petites bicoques de pierres et de bois rafistolées à coup de bâches dans lesquelles des familles de bergers vivent chichement auprès des leurs troupeaux de yaks. La route monte doucement à travers les pâtures puis dans une forêt de pins qui nous régalent de leur parfum sous la chaleur ambiante. Arrive ensuite une belle petite descente qui nous amène sans effort à Geza. De là nous avons ouïe dire qu’une route partait directement à travers la montagne vers Kasi et Yading ce qui nous éviterait un détour de plusieurs dizaines voir centaines de kilomètres. Les panneaux ne nous renseignent guère et les villageois ne semblent pas au courant non plus. Nous arpentons toute la longueur du village jusqu’à ce que 3 personnes d’affilée nous pointe vers un chemin de terre. Étonnamment c’est aussi la direction que prennent une belle quantité de camions dont nous nous demandons ce qu’ils peuvent bien aller faire dans ce coin assez reculé.

D’autant que le petit chemin en question n’est pas des plus faciles. Il monte raide à flanc de montagne dans un canyon parfois bien encaissé. Le compteur de Sébastien oscille entre 7% et 14% tout le temps. Les mollets sont mis à rude épreuve et nous ne parvenons qu’à faire péniblement 13 km en 3h jusqu’à arriver à un gros chantier. Voilà donc où se rendent tous les poids lourds. Espérons du coup que nous serons plus tranquilles demain. Nous mettons un bon moment à trouver un endroit où poser la tente. Les lacs de boues noires générés par la mine ne nous inspirent pas trop et nous préférons nous en éloigner. Une fois rassasiés nous nous endormons au doux son des engins qui creusent la roche au loin.

En route vers le col

Bivouac à la mine – bivouac à la rivière

68km, +840m, -2150m

CroisementFinalement notre petit coin de verdure coincé entre les usines n’était pas si mal que ça. Nous ouvrons les yeux vers 9h accompagnés par les chants d’oiseaux. Le temps de replier le camp et de déjeuner il se fait déjà 11h. Ça promet pour la journée. Nous reprenons doucement notre ascension. Une fois passé la dernière usine les paysages s’améliorent grandement même si la végétation se raréfie. En prenant de la hauteur nous profitons de belles vues sur la vallée en contre-bas et sur les sommets pelés mais plein de couleurs au dessus de nos têtes. Le chemin est de plus en plus chaotique et nous luttons pour ne pas descendre du vélo.

Enfin c’est la délivrance ! Voilà le col ! Ah, non, une fois sur place nous voyons la route monter de plus belle. Au second faux col, nous décidons de pique-niquer. La vue est belle et un petit monument de pierre enrobé de drapeaux, un peu façon gompa, décore les lieux. À peine sommes-nous posés qu’un 4×4 s’arrête à notre hauteur. 4 chinois en sortent tout sourire et apparemment assez enthousiastes de nous voir ici. L’un d’eux nous tend 2 bouteilles d’eau, un autre 2 canettes de Red Bull et un troisième nous apporte 2 bières; après quoi nous passons à la séance photo et quelques questions-réponses. Ils sont très impressionnés de nous voir en vélo dans cet endroit si désolé. Juste avant de repartir ils nous offrent 2 pommes. Quelle rencontre étonnante et qui s’est déroulée si vite qu’elle nous laisse encore tout surpris.

LaetiD’ici la route ne redescend pas trop, mais longe plutôt la pente vers le dernier et véritable col de la journée. 4450m. Nous n’étions pas montés si haut depuis la Bolivie. De là haut le panorama sur les montagnes environnantes est magnifique. Après quelques instants de contemplation nous entamons la descente. Ça descend rapidement dans la vallée. Par contre le chemin est si pierreux que nous sommes forcés de freiner en permanence. Ça descend, ça descend et toujours nous sommes agrippés à nos freins. Nous retrouvons la verdure, puis la forêt et ça descend toujours. -1000m. Le paysage redevient sec, les yaks ont cédé la place aux vaches. -1500m. Nous arrivons dans un village entourés de champs de blé en cours de moisson, à la main bien sûr. La route s’engouffre dans un canyon poussiéreux, la pente se radoucit, mais ça descend toujours. Les quelques personnes que nous croisons nous font toutes de grands signes. -2000m et toujours en descente. Le soir arrive, nous cherchons un endroit pour poser la tente, mais tous les beaux plats se trouvent de l’autre côté de la rivière. Nous passons un pont et croisons un motard. Il s’arrête à notre hauteur et entame la discussion. Sébastien lui indique que nous allons à Yading et il nous pointe la direction. Pile poil à l’opposé de celle que nous allions prendre. Le hasard fait si souvent bien les choses !

Lorsqu’il repart, nous repérons une petite zone de plat au bord de la seconde rivière, un peu en contre-bas de la route. -2250m. En temps normal ce genre de descente nous aurait bien plu. Mais avec nos 10 km.h de moyenne et les doigts engourdis par 5 heures de freinage, l’excitation est faible. D’autant que demain nous partons pour Yading, 1500m plus haut.

Bivouac à la rivière – bivouac avant le col

53,6km, +1600m, -0m

Abord de villageLa chaleur d’hier soir n’a pas beaucoup diminuée et il fait déjà très doux au réveil. Chacun s’active pour essayer de démarrer tôt, mais comme par hasard quelques surprises s’invitent à la fête: un pneu à plat, des cordes emmêlées dans les arbustes pleins d’épines. Nous parvenons tout de même à décoller un peu plus tôt que les jours précédents et retrouvons avec une joie mesurée notre chemin de la veille. Sauf que cette fois il monte. Il démarre tranquillement dans le fond d’un canyon encaissé et très sec malgré la rivière tumultueuse qui y coule.

Au bout de quelques kilomètres nous arrivons dans un premier village où nous espérons faire un petit ravitaillement. Mais les braves gens tous souriants qu’ils sont n’ont pas grand chose à nous vendre. Bravant les risques manifestes dus à l’état chaotique du chemin nous repartons avec deux œufs et 2 soupes chinoises pour le pique-nique de ce midi qui s’annonce déjà assez chiche.

À la sourceQuelle bataille sur ce chemin. Constellé de pierres qui se cachent parfois sous une épaisse couche de poussière, il demande de gros efforts pour avancer à peine à 5 ou 7 km.h. Nous sommes assez surpris par la quantité de détritus qui jalonnent le parcours. Alors que nous ne croisons pas grand monde; à peine quelques personnes âgées et des cochons qui s’enfuient devant nos roues; la route est parfois une vraie poubelle. Nous sommes époustouflés de voir ce que peuvent générer la poignée d’habitants et la dizaine de véhicules qui passent chaque jour.

Nous ne faisons que monter aujourd’hui. La nature retrouve petit à petit plus de vigueur. Nous passons un dernier village aux maisons de couleurs terre qui dominent la vallée que nous venons de remonter. Le vent s’est levé et vient régulièrement rajouté son petit grain de sable en nous soufflant au visage. Alors que les bouteilles se font cruellement vides, nous passons un tout petit filet d’eau qui semble sortir de terre non loin de la route. Nous en profitons pour faire le plein en prévision du bivouac qui a de bonnes chances d’être sec.

Les jambes las par toute une journée de montée, nous faisons un ultime effort en remontant les vélos sur une cinquantaine de mètres pour trouver un endroit plat pour la tente. Nous sommes revenus à 3800m, mais nous n’avons pas réussit à atteindre le col aujourd’hui.

Bivouac avant le col – Riwa

42km, +300m, -1100m

Camping dans les buissonsAprès une bonne heure de montée, nous atteignons le dernier col qui nous sépare de Riwa. Avec ses 4000m il nous offre une vue sympathique sur les montagnes autour. Nous voyons même la montagne autour de laquelle nous voulons faire un trek tout à l’heure. Mais avant de l’atteindre il nous faut redescendre vers la ville de Riwa. Le chemin est un peu plus praticable, mais les 30 km de descente sont tout de même rudes. Heureusement que les paysages et les villages valent le coup d’œil. Il ne doit pas souvent y avoir de cyclistes dans le coin car nous passons vraiment pour des bêtes curieuses.

Nous arrivons dans l’étrange ville de Riwa. Elle a été prévue pour devenir une zone touristique d’importance, mais pour l’instant ce n’est juste qu’un vaste chantier. En tout cas les tarifs de touristes sont déjà en vigueur. Nous profitons des restaurants pour faire bombance, ravitaillons aux supérettes locales et commençons la bataille pour négocier un taxi pour le village de Yading d’où démarre la randonnée. L’ambiance en ville est assez étrange. Il ne se passe rien, tout le monde bulle et attend le chaland, mais lorsque nous demandons un taxi, s’en est presque à qui nous fera le tarif le plus haut. Un vieil homme fait soudain un malaise et s’écroule lourdement en plein soleil. Cela n’émeut pas grand monde et il faut bien 2 minutes avant que quelqu’un ne bouge de sa chaise.

Enfin un chauffeur accepte de nous faire un tarif qui ne relève pas trop de l’escroquerie et nous nous mettons en route. Pour aller au village de Yading il faut passer un col à 4000m, 1100m de grimpette qui nous ont convaincues de ne pas les faire à vélo. En chemin, notre chauffeur s’arrête régulièrement. Coups de téléphone, revissage du coffre branlant. Nous souhaiterions démarrer le trek au plus tôt, mais lui semble profiter du paysage, même s’il n”hésite absolument pas à se débarrasser de ses bouteilles par la fenêtre.

Comme nous avons amené les vélos, il nous faut trouver un endroit pour les entreposer le temps de la marche. D’habitude les solutions se trouvent vite, mais depuis quelques temps nous faisons face à beaucoup de refus et de gens qui sont un peu moins disposés à chercher des solutions. En fin de compte, un billet; jamais assez gros; débloque la situation et nous filons sur le sentier. C’est aujourd’hui l’anniversaire du grand-père de Sébastien et nous pensons lui passer un coup de téléphone pour l’occasion. Mais là aussi, le téléphone se met à nous jouer des tours. Un groupe de sympathiques chinois que nous croisons nous expliquent après plusieurs appels et longues discussions avec le service de la compagnie de téléphone que nos appels vers l’étranger ne sont possibles qu’au Yunnan. Cela fait bien 40 kilomètres que nous sommes passés au Sichuan. La frustration téléphonique est vite remplacée par une nouvelle. La pluie fait son apparition est fait chuter la température en prime.

Décidément, il y a des jours plus faciles que d’autres. Enfin pour couronner le tout, nous arrivons dans une grande plaine avec quelques bicoques d’où sort un bataillon de ce qui semble être des gardiens du parc. Impossible de dormir par ici, il faut retourner au village. Il est 19h30 et le dit-village est à 4h de marche … Nous leur montrons nos cartes qui parlent d’une zone campable mais rien n’y fait. Ça ricane, ça fait des grimaces et beaucoup l’andouille, mais ça ne cède pas : demi-tour! Nous obtempérons bien malgré nous. Mais dès que nous sommes hors de vue, nous prenons la tangente et installons la tente à l’abri derrière les fourrés. Espérons que demain soit plus facile ! Comme nous sommes à court d’eau, Lætitia décide de partir en quête d’un ruisseau. Dans les 5 minutes qui suivent, la nuit s’abat brusquement. Dans la pénombre, rien ne ressemble plus à un arbre qu’un autre arbre et la voilà bien en peine pour trouver et de l’eau et le chemin du retour. Elle déambule désespérément pendant un long moment de frayeur jusqu’à ce que son sauveur de mari vienne la récupérer.

Pèlerinage autour du Chenresig

Vers les lacsLa journée qui nous attend s’annonce sportive. Nous souhaitons faire le tour de la montagne, puis dans la foulée reprendre la route pour nous avancer un peu sur les 280 kilomètres qui nous séparent de Litang. Or le temps nous est compté pour étendre à nouveau nos visas. Pour le moment, dans la fraîcheur matinale des premières lueurs de l’aube nous sommes encore loin de la route et nous nous concentrons sur la randonnée.

La montagne se réveille à peine elle aussi. Nous voyons les gens sortir de leurs maisonnettes en pierre toutes enfumées et se faire une petite toilette avec une bassine d’eau fumante. Les visages sont souriants ce matin. Nous montons lentement et arrivons au lac de lait et au lac aux 5 couleurs un peu plus tôt que prévu. Dans les praires alentours, quelques personnes s’agenouillent régulièrement. Ils semblent fouiner à la recherche de quelque chose dans l’herbe. Nous demandons à l’un d’eux ce qu’il fabrique et il nous montre alors quelque chose qui ressemble à un bout de racine d’où sort une jeune pousse. Peut être la pluie d’hier soir est propice à leur sortie ?

De l'autre côté du col

Le chemin poursuit ensuite vers le premier col de la journée qui culmine à 4560m. Cette première partie nous a donnée de beaux points de vue sur les glaciers impressionnants qui ornent les pics qui nous entourent. De l’autre côté du col, le paysage change un peu. La vue s’étend au loin sur des vallées profondes tandis qu’à notre droite le Chenresig imposant masque tout ce qu’il y a derrière. Nous passons un 3è lac multicolore pour arriver dans une zone de prairie. Un groupe d’hommes y est tranquillement installé autour d’un feu et d’un pique-nique. Ils nous font signe qu’il est l’heure de s’arrêter pour manger et nous nous disons qu’ils n’ont pas tort. une famille arrive peu de temps après et s’installe auprès d’un petit monument de pierres bardé de drapeaux tibétains. Ils allument eux aussi un feu et se mettent à faire des prières. Le pèlerinage décrit à l’entrée du parc est donc toujours d’actualité.

Les pèlerinsAprès notre collation, les quatre hommes nous invitent à les rejoindre et nous offre un thé. Le fameux thé au beurre de yak reconnaissable immédiatement à l’odeur. Le goût est fort, mais pas aussi affreux que ce qu’on nous en avait dit. Pour l’accompagner on nous offre aussi un morceau de pain et un bout de fromage guère plus doux que le thé. L’homme qui nous sert nous indique que c’est parfait pour donner l’énergie nécessaire pour marcher. Ils ne sont pas tout jeunes et carburent à ce cocktail pour leur pèlerinage autour des 3 montagnes sacrées de la région. Nous refusons poliment un 3e service de thé au beurre de yak, les remercions chaleureusement et reprenons le chemin. Nous sommes les seuls touristes parmi la petite vingtaine de personnes sur le chemin du pèlerinage et certains semblent penser que nous sommes nous même là pour cette raison. Le 2e col se profile à l’horizon. Une foule de drapeaux battent frénétiquement au vent au bout d’une dizaine de virages serrés qui nous emmènent à plus de 4700m d’altitude. Nous sommes toujours étonnés d’arriver à ces hauteurs en tshirt alors que chez nous les crampons seraient chaussés depuis un bon moment.

http://www.voyage.delcoigne.fr/wp-content/uploads/chine/yading.mpg

Une petite pause pour admirer la vue et nous redescendons vers la prairie où paissent tranquillement quelques yaks. Nous retrouvons la chaleur écrasante de la mi-journée alors que nous nous enfonçons à l’ombre d’une forêt de pins qui nous gâtent de leur parfum. La sortie de la forêt se fait au niveau d’un monastère où nos compagnons de route nous convient à faire la dernière prière du pèlerinage. À l’extérieur sobre des murs blancs contraste un intérieur bariolé de dorures et de peintures sur la moindre pièce de bois qui est d’ailleurs bien souvent sculptée. Un moine nous invite à nouveau à une tasse de thé au beurre de yak. Nous emmagasinons déjà suffisamment de connaissance pour pouvoir comparer les deux préparations et nous pouvons affirmer que l’expérience des vieux montagnards se ressent dans la qualité de leur breuvage.

YakL’heure tourne et nous pressons un peu le pas pour retourner aux vélos que nous atteignons vers 16h. Le temps de refaire les sacoches et nous décollons finalement vers 17h. C’est alors que nous croisons un taxi en partance pour Daocheng dans lequel il reste 2 places. Nous avons cette fin de journée et deux autres pour rallier Litang à 280km. Autant dire que le défi est immense. Nous sautons donc sur l’occasion de nous rapprocher de 130km et gagner ainsi une très grosse journée de vélo en quelques heures à peine.

Lorsque nous arrivons à Daocheng, la ville est plongée dans le noir par une coupure d’électricité. Le mini-bus nous arrête dans une auberge de jeunesse qui nous nous inspire pas trop. Nous tentons donc notre chance en ville. Dans cette ambiance sombre beaucoup de gens paraissent antipathiques. Nous essuyons pas mal de refus et prenons même de franches engueulades qui sortent de nulle part. Quel accueil ! Nous atterrissons finalement dans une seconde auberge qui n’est pas donnée mais où le patron à au moins la grande qualité d’être souriant et dévoué.

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3 responses to “Départ vers le Sichuan”

  1. Belle route les amoureux,
    Que je suis heureuse de vous lire, votre volonté et votre démarche m’enthousiasme toujours autant.
    Merci pour ces récits vivants et expressifs.
    Votre voyage est mon roman préféré de cette année.
    Vous êtes les héros de mes rêves.
    Je vous souhaite une belle continuation à travers routes et chemins.
    Profitez bien
    Merci pour ce partage tout en générosité en notre égard
    Je vous embrasse
    chloé

  2. bonjour à vous deux
    je suis admirative de vos exploits monter aussi haut à vélo il faut le faire
    vos images sont toujours aussi belles
    je salue votre constance et vous souhaite bonne route au bout du monde
    bisous
    Cousine Renée

  3. bonjours à vous deux,
    Chloé a raison, votre voyage devient un feuilleton que l’on attend avec impatience.
    Je vous suis également avec la carte de la chine avec moi, et je comprends parfois votre étonnement des indications des villageois.
    Prenez surtout le temps d’emmagasiner en vous ces paysages, car le voyage s’étire ………..
    J’ai hâte de vous connaître et de vous poser des tonnes de renseignements.
    Je suis à 7mois de mon tdm et je voyage déjà beaucoup à cause de ma préparation et des indications sur l’itinéraire qui arrivent grâce à vous et à d’autres voyageurs.
    Profitez, profitez
    amicalement