Ballade au bout du monde


Au “bout du monde” de l’Argentine

FauconsUshuaïa, ce nom résonne dans la tête de tous les voyageurs et rempli leurs rêveries de paysages sauvages et d’idées d’aventures. Mais alors que nous déambulons dans les rues de la ville nous sommes bien obligés de constater que notre terre promise est devenu un Disney-land du bout du monde. Après nos errances patagonnes, tout ce tintouin sur la fin du monde, la bière “del fin del mundo”, le chocolat “del fin del mundo”, nous paraissent un peu surfaits. La ville manque cruellement d’authenticité. Nous allons établir nos quartiers au camping El Andino situé un peu à l’écart de toute cette effervescence au pied de la piste de ski. Dans cette ville portuaire et aéroportuaire débarquent quotidiennement des hordes de touristes qui viennent visiter la Patagonie ou qui partent ensuite en croisière vers l’Antarctique. Dans le port, attendent d’énormes paquebots resplendissants qui s’apprêtent à affronter le mythique passage de Drake.

Nous profitons d’une journée de repos et d’une météo agréable pour aller visiter le parc de la Terre de Feu. Nous avons laisser nos vélos à Punta Arenas pour venir en bus. Mais ils nous manquent tellement que nous en louons pour visiter le parc. Le parc est mignon et paisible. Il offre quelques promenades dont la plus sympathique est celle qui arrive au phare. On peut y observer tout un tas d’animaux dont certains se sont un peu trop habitués à la présence de l’Homme, comme ces faucons qui ont perdu à nos yeux un peu de leur superbe en venant quémander des bouts de nos sandwichs. Par contre, nous restons un bon moment devant un héron perché au dessus d’un marais et surtout notre premier barrage de castor.

A la tombée de la nuit, les hauteurs de notre piste de ski nous offrent un magnifique panorama sur la ville qui s’éclaire au fur et à mesure que le canal de Beagle s’assombrit.

Barrage de castors

Retour au chili

Puerto NavarinoNous prenons une petite embarcation en direction de l’Isla Navarino, dernière terre habitée avant le Cap Horn. Le canal de Beagle est particulièrement calme aujourd’hui et la traversée se fait sans encombre jusqu’à Puerto Navarino, un petit poste douanier où nous attend un bus pour rallier Puerto Williams à 50 kilomètres de là. Puerto Williams, la voilà notre ville du bout du monde ! Ici pas d’hôtel de luxe mais des petites bicoques où nous n’oserions pas passer l’hiver, un petit port où sont ancrés des voiliers arborant tous type de pavillons. La ville vit des militaires en poste et de la petite conserverie de fruits de mer. Pas de boutique de souvenirs ici, uniquement l’essentiel. Nous y faisons le plein de fruits et de légumes avant de partir sur le Circuit des Dientes de Navarino. Le trek est annoncé en 5 jours. Nous avons 2 jour et demi et nous partons confiants.

Laguna del SaltoAu démarrage du trek, nous sommes rattrapés par un chien qui nous a suivi depuis la ville ainsi que par un couple d’allemands, Michael et Andrea, avec qui nous avons fait la traversée et qui sont eux aussi suivi par un chien. Nous démarrons dans le bois en suivant les indications du Lonely Planet qui nous emmène sur un chemin à la chilienne qui monte droit dans la pente vers le Cerro Bandera où nous avons un beau point de vue sur le canal de Beagle et la ville de Puerto Williams. Nous partons ensuite à flanc de colline en direction de la Laguna Del Salto en profitant d’une belle vue sur les montagnes escarpées que forment les Dientes de Navarino ainsi que sur le canal de Beagle. Le chemin est peu pratiqué, donc peu marqué et les balises se font rares. Dès que les discussions se font trop vives, nous perdons la trace et nous comprenons vite qu’il faudra rester attentifs.

La pluie fait sa première apparition au moment où nous plantons nos tentes, nous bouchant la vue pourtant belle et nous obligeant à manger chacun de notre côté sous nos abris.

Au cœur des Dientes

Laguna del PasoAyant moins de temps que Michael et Andrea pour finir le trek, nous les quittons dès le matin. Depuis le lac, il faut monter un petit col en direction de la Laguna Del Paso. La végétation se fait de plus en plus rare à mesure que nous approchons du col, mais nous offre tout de même de beaux spécimens que nous n’avions encore jamais vu. Vers 800m d’altitude nous rencontrons des premiers névés qui nous font une pause agréable au milieu des pierriers. De là haut, par cette météo claire nous pouvons même apercevoir au loin le chapelé d’îles brumeuses qui forment le cap Horn.

En contre bas, dans la vallée suivante, de larges pans de forêts gisent par terre, nous rappelant les grands incendies de la Carretera Australe. Mais alors que nous approchons, nous comprenons l’origine de ces saccages. Au début du XXe siècle, des couples de castors ont été introduits sur l’île pour leurs fourrure. Mais la petite expérimentation à échappée à tout contrôle et sans prédateurs, les castors se sont multipliés, remodelant l’île en ajoutant quelques lagunes avec leurs barrages. Nous restons quelques instant au pied de l’un des ces barrages. Il faut bien avouer que ces petits animaux sont de remarquables architectes.

Barrage de castorsAlors que nous faisons notre pause déjeuner sur un petit promontoire rocheux au soleil, nous sommes rejoins par les allemands. Laetitia est impressionnée de voir Michael, une montagne de muscle dépassant 1,90m et portant un sac à dos énorme, se contenter de quelques crackers avec du fromage, pendant que Sébastien, 1,75m et 65 kilos tout mouillé s’enfile de gros sandwichs. Quand nous sortons la tablette de chocolat pour le dessert, notre géant craque tout de même pour quelques carrés.

Le chemin se poursuit en passant un nombre incalculable de lagunes, dont une bonne partie semble être l’œuvre de nos rongeurs. De toutes les randonnées que nous avons pu faire, celle-ci est de très loin celle qui comporte le plus de lacs. Combinés avec des vues régulières sur les îles du Cap Horn où sur le canal de Beagle, les vues sont superbes et nous font régulièrement nous arrêter pour contempler.

Nous poussons jusqu’à la Laguna Hermosa pour poser notre campement. Les berges du lac sont couvertes d’arbres abattus et nous ne tardons pas à voir dans l’eau le responsable de ce chantier. Un castor nage, un peu perturbé par notre présence et celle de la chienne. Il plonge régulièrement sous l’eau en faisant claquer bruyamment sa queue à la surface. Le ciel est clair, mais le fond de l’air est frais et nous profitons de tout le bois qu’il nous a gentiment prédécoupé pour faire un feu autour duquel chacun se réchauffe. Il règne comme une petite ambiance de boy scout et nous discutons à la lueur de la lune en regardant le feu s’éteindre. Il est 23h30 et le soleil vient tout juste de disparaître derrière l’horizon. Nous ne profiterons pas de son lever qui aura lieu 4h plus tard !

Au cœur des Dientes

La redescente vers la ville

En haut du Paso VirginiaUne grosse journée nous attend aujourd’hui. Il nous faut impérativement retourner à Puerto Williams ce soir si nous voulons avoir le bateau de retour demain matin. Nos amis allemands ont encore une journée devant eux et décident de rester un peu profiter du calme de la Laguna Hermosa. La chienne, baptisée Chantal par Michael, décide de poursuivre avec nous. Le chemin commence par descendre une superbe vallée en nous faisant régulièrement monter des petits promontoires rocheux qui nous offrent alors de belles vues. Nous passons la Laguna Martillo où le chemin se perd une nouvelle fois au milieu des arbres morts et des marécages, puis nous filons vers le Paso Virginia, dernier col du trek, qu’il nous faut escalader à moitié. En montant nous retrouvons ces plantes étranges qui vivent au milieux des cailloux ainsi que des névés. Le col culmine à 859m et nous offre un dernier panorama sur l’île, sur Ushuaïa au loin et sur le canal de Beagle entre deux. Au dessus de nos têtes, le soleil peine à nous réchauffer par ce vent fort et tout autour de nous, de gros nuages gris déversent de belles averses qui semblent nous venir droit dessus. Il nous faut descendre une belle pente raide qui aboutit au pied d’un lac d’un bleu profond qui gît au fond d’une cuvette.

Descente en sous boisAprès avoir rapidement rafraîchit nos pieds dans l’eau glacée du lac, nous reprenons le chemin qui s’enfonce dans les sous bois le long d’un torrent. Les balises se font encore plus rares et nous cherchons beaucoup notre chemin. Les quelques traces de nos prédécesseurs nous montrent que nous ne sommes pas les seuls à nous égarer dans ce labyrinthe d’arbres couchés et de forêt dense. Les traces montent et descendent dans la pente, passent sous les troncs en quête d’une marque quelconque, en vain. La fin du chemin n’est décrite qu’en cap à suivre et sans boussole nous en revenons au système D, comme descente. Nous finirons bien par retrouver la côte ! A un moment, une éclaircie dans les arbres nous laisse apercevoir au loin la Bahia Virginia. Cette baie avec sa courbe parfaite et le bateau qui y mouille ressemble à un tableau et surtout marque le retour à la route. Il ne nous reste plus qu’à traverser un champ à vaches et nous y sommes enfin.

Après cette dernière partie un peu sportive, nous nous accordons une petite pause biscuits en observant le bal des canards et des oies sauvages. D’ici il nous reste 6km de marche le long de la côte pour rejoindre Puerto Williams. Lorsque nous nous mettons en route, une camionnette s’arrête à notre hauteur et propose de nous emmener, ce que nous acceptons volontiers. Nous laissons alors Chantal derrière nous à contre cœur et Laetitia s’émeut de la voir courir derrière nous pendant 4 kilomètres alors qu’elle n’a pas manger beaucoup depuis le départ du trek.

Une fois arrivé en ville, nous nous imprégnons une dernière fois de l’ambiance qu’il y règne en passant par la route du bas longeant le port et le cimetière à bateaux avant de retourner sur le démarrage du trek pour y poser la tente.

En montée vers le Paso Virginia

Retour au “Bout du Monde”

Lion de mer en plein effortAprès une nuit courte nous reprenons le chemin de la ville et arrivons de justesse au bus. Sébastien à un peu de mal à marcher ce matin à cause d’une petite douleur à la voûte plantaire. Après ces quatre mois en Amérique latine, nos chaussures commencent à montrer de gros signes de fatigue. La météo est encore plus belle que les jours précédents et la traversée se fait sur un canal plat, pratiquement une mer d’huile. Nous essayons de faire quelques bricoles en ville, mais nous avons dû oublié qu’ici c’est l’Argentine et qu’il faut prévoir du temps. Nous repartons bredouilles vers le port pour trouver un bateau qui nous emmènera sur la classique ballade vers les colonies d’éléphants de mer et de cormorans.

Nous prenons plaisir à voir tous ces animaux de près. Les lions de mers sont les plus impressionnants. Ils sont entassés en grappe sur leur cailloux, tous plus avachis les uns que les autres. De temps en temps, des mâles se chamaillent au milieu des groupes de femelles placides. CormoransLa ballade se poursuit vers le fameux phare des Éclaireurs et l’île aux oiseaux où nichent de nombreux cormorans et autres sternes pour finir par une petite ballade à pied sur un îlot qui gardent de légères traces des populations Yamana qui ont aujourd’hui disparues. Ces indigènes vivaient nus alors que nous sommes tous couverts de la tête au pied. Ils enduisaient leur corps de graisse de lions de mer qui les protégeait du vent et de la pluie.

Sur le retour au port, nous sommes accueillis par une beaux rideau de pluie et nous décidons de partir nous réfugier dans un restaurant où sévit un chef français dont nous avions déjà goûté les pâtisseries. Sébastien se régale d’un plat de lapin aux champignons et Laetitia se réchauffe d’une soupe à l’oignon, le tout accompagné d’une bonne baguette à la française. Un petit retour aux sources dans ce coin où de toute façon la nourriture typique n’est pas si exotique que ça.

Dur réveil

Un tête qui dépasseLa pluie n’a pas cessée de la nuit et nous nous réveillons de bonne heure dans une tente détrempée où tout est mouillé. Nous prenons ce matin le bus qui nous ramène à Punta Arenas et sommes bien obligés de replier les affaires en l’état dans nos sacs. Nous arrivons de nouveau à Punta Arenas où nous avons le plaisir de retrouver notre caméra réparée et Paul, le cycliste américain que nous avions croisé à El Chalten. Nous allons avec lui récupérer la voiture que nous avons réservée pour aller visiter une colonie de Pingouin à 60 kilomètres de la ville. A notre arrivée nous avons l’agréable surprise de recevoir les clefs d’un 4×4 spacieux au lieu du petit modèle que nous souhaitions. Nous en apprécions la conduite, surtout sur les 30 kilomètres de ripio qui mène aux pingouins.

Sur la plageL’arrivée à la colonie n’est pas rassurante. Pas un oiseau en vue et pas de touristes non plus à part nous. Nous croisons les doigts en espérant ne pas être venus pour rien. Finalement nous voyons une première tête qui dépasse à peine d’un buisson et chemine péniblement à travers la végétation. Puis un deuxième, un troisième et finalement tout un groupe qui se dort la pilule sur la plage où s’ébattent vigoureusement dans l’eau glacée du Pacifique. Nous tombons tout de suite sous le charme de ces sympathiques pingouins si mal habiles sur terre et si rapides sous l’eau. La moindre petite brindille sur leur chemin représente un obstacle encombrant, mais une fois sous l’eau, ils filent à des allures impressionnantes. Ils sont capables de plonger plus d’une minute jusqu’à des profondeurs atteignant les 70m. D’ailleurs leurs ailes ressemblent bien plus à des nageoires. Ils n’ont pas de plumes mais une fourrure épaisse pour les protéger. En fait, ils n’ont d’oiseau que le bec et les œufs qu’ils pondent.

Ce sont nos tout premiers pingouins et nous restons un bon moment à observer leurs allers et venues. Nous repartons tout sourire de cette rencontre charmante avant de prendre l’avion en direction de Santiago, ultime étape de cette Amérique latine que nous avons pris tant plaisir à parcourir.

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2 responses to “Ballade au bout du monde”

  1. Belle journée à vous les amoureux du bout du monde.
    merci pour toutes ces photos et votre façon de nous enchanter.
    Je vous embrasse

  2. Ces chiens qui suivent les touristes, ils appartiennent à quelqu ‘un? Ou bien ils suivent tous les gens qui passent en espérant être nourris?
    Chantal qui vous a suivis pendant plusieurs jours, est ce qu ‘elle retrouvera son chemin? Moi aussi j aurais eu le coeur gros de la voir suivre pendant 4km. Comment elle a fait? Vous rouliez au pas?